PARTIE 2 / CHAPITRE 6 - Davina veut sortir avec Benoît


 

Davina se leva des toilettes pour la 2ème fois de la journée. Elle déroula les feuilles de PQ pour s'essuyer. Puis, au moment de refermer son pantalon, elle remarqua le miroir du lavabo devant elle. À deux centimètres à peine. Elle se regarda, et très vite baissa les yeux. Un sentiment de vertige la pris. Elle avait soudain peur de rester toute seule avec la femme devant elle. Mais elle savait que cette femme, c'était elle. Elle n'était pas folle. Cette femme, c'était son corps. Mais elle, qui était-elle ? Une petite créature tapie dans le crâne de cette femme, devant elle ? Avec des poils longs, des dents jaunes et des gencives épaisses ? Elle s'imagina sans tête et serra fort les dents pour se punir de cette pensée. Ça y est… ça y est, ça passe. Elle ouvre le loquet des toilettes, ressort et marche rapidement en direction de son bureau. Elle vacille un peu, mais arrive jusqu'à sa chaise. Mon dieu, mon dieu, elle prie pour que personne n'ait remarqué son déséquilibre.


- C'est moi le chef… C'EST MOI LE CHEF… C'est moi le chef… C'EST MOI LE CHEF…. C'est moi le chef…

Les stances de Jean-Emmanuel résonnait comme des marteaux de guerre dans tout le bureau. Chacun jeta un regard circulaire autour de son poste pour déterminer qui manquait à l'appel. Personne. Davina était revenue. Christophe s'affairait placidement devant ses deux écrans. Nadine tripotait son paquet de cigarettes mentholées avec sa main gauche. Hector et Cassandre, les intérimaires, avaient été prolongés d'une semaine pour trier encore plus de papiers.


- C’est moi le chef LE CHEF LE CHEF ! C’est COMPRIS Benoît ?

Benoît ? Benoît ! Oui, il fête aujourd'hui sa première année dans l'entreprise. Et bien… s'il s'était attendu à ça. Lui qui croyait à la légitimité de sa demande d'augmentation. Le pauvre. Les murs tremblaient presque. Davina s'attendait à tout instant à entendre sa voix, mais rien ne lui parvint. Davina accusa un temps d'arrêt et crût un instant qu'il était mort. Dommage. Elle avait toujours eu envie de l'emmener sur la plage après le boulot. Juste elle et lui, et bordant l'horizon au loin, sur la mer, le soleil de San Francisco. Elle espérait encore qu'un jour il lui dirait oui. Tout à coup, un bruit. “ Vous avez fini, Monsieur ? ”, dit Benoît, avec une intonation étouffée. Le pic d'émotion soudain fit fondre Davina en larmes. Benoît allait bientôt sortir, sans doute chancelant après cette séance d'estocades, en proie aux doutes, l'amour-propre diminué. C'était le moment parfait pour lui faire accepter un rendez-vous. Davina était sûr de son plan. Et le sentiment de compétences la rendît heureuse.

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