Chapitre 17 - La fierté de Christophe

 

 


- Ne vous dé-plaise, en dansant la Javaaanais-euh…

Le singe nain au parasol rose fuschia se tourna vers Davina et murmura :

- Que faites-vous ?

Davina était assise sur un banc devant une des tables de banquet. Elle mâchouillait un os, les yeux dans le vide.

- Tu connais La Javanaise ? demanda-t-elle.

- Non.

- Je peux te l'apprendre si tu veux. C'est facile à chanter.

- À quoi ?

Le singe nain au parasol rose fuschia se tira de cette conversation comme on se tire d'un mauvais rêve. Il écarquilla très fort les yeux, s'ébroua la tête puis la tourna vers les prisonniers. Deux de ses collaborateurs les plaçaient en file indienne, pour les faire défiler devant la patronne.

Christophe était le premier de la file. Il se balançait de gauche à droite, et faisait des petits sauts sur place, comme pour se préparer avant un événement sportif. Ses dents et ses gencives étaient toutes dehors. Il leur donnait des petites pichenettes, afin d'en éprouver la fermeté. Il était prêt, fin prêt. Une voix venu d'on-ne-sait-où donna le top départ. Christophe arriva en petites foulées et s'arrêta devant Davina. Toujours à l'affaire sur son morceau de moelle, cette dernière lui demanda sans même le regarder :


- Vous avez bien dormi ?

L'attaquant avait décidé d' entrer dans le jeu sans crier gare. Soit. Christophe n'allait pas se laisser déstabiliser. Les prisonniers ploient toujours sous la culpabilité de s'être fait capturer. Et qui ploie sous la culpabilité dort mal, c'est une évidence. Or, un bon sommeil c'est l'assurance d'une productivité à plein durant la journée. Et c'est ça que recherche les potentiels employeurs chez les candidats ! Christophe voulait rebondir et la SAGEREP semblait une belle organisation pour le faire.


- Oui, oui ! J'ai bien dormi !

- Donne-lui un équipement, dit Davina au singe nain au parasol rose fuschia.

Christophe exultait. Son art de la négociation était sans commune mesure. Il avait percé les intentions de son interlocuteur. Il avait réussi ! Il sentit ses membres trembler. Mais comme tout bon professionnel, il ne laissa rien paraître.

Davina regarda s'éloigner le mandrille en compagnie du singe nain au parasol rose fuschia. Comment s'appelait ce prisonnier déjà ? Elle avait oublié de lui demander son nom… Mais ses yeux brillants, son ton enjoué, sa bruyante volonté… Elle ne pouvait le quitter dès yeux. Elle frissonna comme une tête tranchée.


- Davina dit : tous les mandrilles ont des gros culs !

- Davina dit : les gros dormeurs sont des gros branleurs ! Le Syndicat va en faire son 4 heures !

Un rire gras résonna et fit sursauter Christophe, alors qu'il s'apprêtait à quitter la salle à la suite du singe nain au parasol rose fuschia. Christophe tordit sa tête avec l'efficacité d'une poupée maléfique. Il jeta un regard noir à Rémi et Bastien, diamétralement opposés à lui dans la configuration de la salle. Une fois sûr de son petit effet, Christophe repartit vers la sortie. Il avait décidé de leur montrer une dernière fois sa grandeur. Maintenant, il les ignorerait.


Après avoir fait quelques mètres, Christophe s'aperçut qu'il avançait seul. Un bref coup d'œil en arrière. À l'arrière-plan, Bastien riait à gorge déployée. À côté de lui, Rémi plastronnait, fier comme un paon. Plus en avant, plus près du sol, le singe nain au parasol rose fuschia fulminait. Sa tête avait pris une teinte vert-de-gris. À force de pression, ses vaisseaux sanguins rouge cerise éclataient sur ses tempes. Les deux couleurs dominantes juraient l'une avec l'autre. Le tout formait un très mauvais tableau.

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