Chapitre 16 - L'inspection des prisonniers




- Davina dit : j'entre dans la salle de réunion !

Le singe nain avait une attention particulière pour sa toilette. Il se brossait les poils soigneusement chaque matin. Il jetait les parasites de sa fourrure dans une poubelle, disposée à côté d’un grand miroir. Enfin, avant de quitter sa chambre pour rejoindre Davina, il enfonçait d’un coup sec le pied de son parasol rose fuschia dans sa fontanelle, au centre de sa tête. Aucun liquide ni solide ne sortaient par ses oreilles à ce moment-là. Aucune douleur ne venait entamer son rituel.

Mais certains chuchotaient derrière son dos. Des collègues lui trouvaient une posture peu alignée avec les valeurs de la SAGEREP. “Des chairs sanguinolentes, sur le visage de préférence, une odeur forte, une voix mal assurée oscillant entre les aigus et les graves, une voix qu'on peut confondre avec mille, toutes ces caractéristiques sont l'assurance d'une intégration réussie” disait le chapitre 5 du Règlement Intérieur de la SAGEREP. Le singe nain au parasol rose fuschia n’en possédait aucune. Et pourtant il montait rapidement - trop rapidement -  les échelons. 6 mois après son apparition dans le camp, Davina l'avait promu porte-parole. Cela suscitait des jalousies que le singe nain au parasol rose fuschia s'efforçait d'ignorer.


Davina avait le cerveau en tension, les cernes jusqu'au bord des lèvres et l'humeur massacrante. Elle fonça jusqu'au bout de la salle, faisant valdinguer sur son passage  les restes d'un banquet qui s'était tenu dans les lieux à peine quelques heures avant, à en juger par la sauce rouge encore présente dans les assiettes. Davina s'arrêta et remarqua qu'elle n'avait pas été mise au courant de ce banquet. Elle se retourna, et jeta un regard assassin au singe nain au parasol rose fuschia, dont les yeux s'excusèrent presque de ne pas être déjà crevés.

Une fois qu'elle eût atteint le mur du bout, Davina s'y adossa et leva les yeux en grommelant. Au plafond de la salle de réunion se déroulait un spectacle qui la calmait et l’émerveillait à chaque fois qu’elle y assistait. 20 salariés du Syndicat étaient entravés par chaînes et cadenas et pendus par les pieds et les mains, aux larges poutres de soutènement du plafond de la salle de réunion. Des salariés de la SAGEREP à la peau translucide allaient et venaient  - gracieux acrobates - sur ces dernières pour déverrouiller chaque chaînes et faire tomber les prisonniers devant les pieds de Davina. Le manque de personnels faisant, tous ne pouvaient être détachés en même temps. Et leurs descentes échelonnées se transformaient en un spectacle superbement chorégraphié.

Trois prisonniers arrivèrent aux pieds de la patronne. Uniquement des bonobos. Le menu fretin. Ceux dont la paye n'était pas bien lourde. Ceux qui se rendaient facilement. Deux sortirent vite de leur étourdissement pour se mettre au garde-à-vous.


- Rémi !
- Rémi ? Rémi ! Hrrmm… Il réfléchit en se grattant le cuir chevelu. Bastien!
- Benoît? dit Bastien en pointant le 3ème singe qui gisait face contre terre.

Quelques secondes après, le thorax du bonobo encore immobile se brisa d’un coup sec. Ses organes internes s'échappèrent de sa poitrine comme des tranches de tomates d'un sandwich trop rempli. Un mandrille s'était servi de son corps pour amortir sa chute.

- Je ne suis pas mort ! Je ne suis pas mort ! Oh mon dieu…, soupira-t-il d’une voix fluette.

La mine atterrée, Rémi se pencha vers l’oreille de Bastien et dit : “Putain, Christophe… Il nous suit vraiment partout, lui…”


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