Chapitre 11 - La traversée du désert de Benoît et Willy
Les visages de Willy et Benoît étaient enfouis dans le sable. À midi, dans le désert, la VMC se positionnait toujours derrière le soleil. Et la masse de l'astre lumineux faisait dévier les courants d'air en émanant, vers la droite et vers la gauche haut dans le ciel. C'était un réflexe du désert, afin que les perroquets arrivant des deux jungles ne puissent jamais découvrir son cœur.
À minuit, la VMC pouvait enfin fouetter librement les dunes, les perroquets parcourir ces étendues en toute tranquillité et se poser - si l’envie les en prenaient - sur le postérieur de personnes mal avisées.
Avant d'enfouir leurs têtes dans le sable, Benoît et Willy avaient marché pendant plusieurs jours. Manifestement pas dans la bonne direction, s'était rendu compte Benoît au petit matin du deuxième jour, puisque le plan initial concocté par Achille et Hector supposait qu'ils ne marchent pas plus de 8 heures avant de rejoindre Davina et la SAGEREP. Mais le désert manquait de points de repère. Et aux heures les plus chaudes de la journée, même la distinction entre haut et bas ne semblait plus si claire que ça.
Willy, qui n'avait pas demandé à se retrouver avec un singe à ses côtés, déchanta une fois sa colère calmée. Il ne comprenait pas vraiment pourquoi Benoît semblait en constante admiration pour lui. Mais, après tant de brimades et d'humiliation, la perspective d'avoir un disciple ne lui déplaisait pas. Benoît, lui, était très vite redescendu de la conduite hallucinatoire de ses débuts. Mais tout honteux d'avoir tant manqué de rationalité, il décida de ne rien en laisser paraître et de continuer à donner le change à Willy. Tandis que Willy enseignait à Benoît les fondamentaux de tout bon leadership et les compétences de storyteller qui doivent accompagner l' exercice de la fonction, ce dernier commençait à s'affamer et à se dessécher.
Alors, contrairement à Saint-Paul pour qui le désert fut spirituellement très profitable, Benoît appréhenda sa formation bientôt comme un ennuyeux bruit de fond, et consacra l'essentiel de son attention à la recherche, à la capture et à la mastication de petits rongeurs des sables. Il n'avait pas vraiment de technique pour les capturer. Il les répérait dans sa vision périphérique, à la façon de petits points fuyants que l’on croit voir après avoir passé trop d'heures chez soi. Mais si la plupart des personnes normalement constitués s'efforcent de revenir à la raison face à ces phénomènes de persistance rétinienne, lui fonçait bille-en-tête à leur poursuite. Et c’était là que résidait tout son génie ! Car neuf fois sur dix, c' était le soleil qui avait endommagé ses rétines. Mais à la dernière, ses papilles étaient soudainement envahies par le goût de la chair tendre et sous ses dents craquaient enfin de petits os délicieux. Mais, ce coup d’éclat recommencé 4 à 5 fois par jour, il ne fut bientôt plus aussi efficace, soit que les rongeurs des sables se fût passé le mot, soit que leur population eût fini par être véritablement affectée par la voracité de Benoît.
Une nuit, Benoît et Willy furent réveillés par des rafales de mitrailleuse dans le lointain. Ils se levèrent lourdement. Leurs pattes glissèrent sur le sable du désert avant de se stabiliser. Leurs yeux portèrent au loin. Il y avait des petits foyers de lumière sur la ligne d'horizon. Des pans de jungle prenaient feu et s'éteignaient 30 secondes après, comme piétinés par quelques géants. Willy ressentit une intense excitation devant ce spectacle. C'était le camp de la SAGEREP, enfin, enfin ! Petit, il rentrait souvent la nuit tombée au camp. Et ce spectacle à chaque fois lui inspirait crainte et fascination.
- Benoît, nous y voilà, enfin. Nous sommes arrivés. Je n'ose imaginer les remarques de Davina, quand nous nous présenterons devant elle avec un tel retard. Mais qu'importe, nous sommes arrivés. Je suis heureux, nous sommes arrivés.
Willy se drapa de sa trompe et une larme coula de son œil droit, encore tout endormi. Benoît en resta gêné et interdit.
Mais bientôt, le vacarme des armes se rapprocha. Des traits lumineux vinrent frôler le singe et l'éléphant, les contraignant à s’aplatir sur le sable, eux qui n'avaient qu'une seule envie, enfin, d'être debout. Et des voix comblaient le silence du désert quand les mitrailleuses enfin faisaient silence. Willy leur trouvait des accents d'outre-tombe. Il leva timidement un œil vers leur direction et vit arriver une dizaine d'ombres aux têtes d'ampoules et aux membres tordus.
Horrifié, il plongea la tête dans le sable à la façon d'une autruche. Benoît, qui en avait vu d'autres, mais qui n'était malheureusement pas très beau, n’eût d’autre choix que de le suivre dans son élan.
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