Chapitre 10 - Willy s'est fait licencier

 



- Je m'en fous de m'être fait virer. Je m'en fous …

Il avançait en pleurant à travers la jungle et se heurtait aux troncs des baobabs millénaires, sans même le remarquer, tellement son chagrin était immense.

- … Ce n'est pas moi qui ait besoin d'eux. C'est eux qui ont besoin de moi. Et ce débile de Jean-Baptiste ne se rend pas compte. Et ben tant pis pour lui, tant pis pour lui. J'étais super investi dans ma mission. Je ne comprends pas. J'ai même créé une radio pour motiver les équipes et porter la voix de la direction. Radio Désingé, RADIO DÉSINGÉ !...

Une larme coula de son œil fatigué pour aller s'écraser 5 mètres plus bas sur une sauterelle ayant fait une halte sur un morceau de fougère.

- … Première bataille avec la SAGEREP, j'étais là. Deuxième bataille, j'étais encore là. Ok, avec Rémi, on avait un plan. Dès le début des combats, il faisait le mort. Il s'étalait dans l'herbe fraîche, sur le côté droit ou gauche du champ de bataille. Puis j'attendais le signal. Les premiers hurlements de douleur, le début du fracas des armes. C'est là que je démarrai mon micro, et c'est parti ! Extraordinaire Rémi ! Que ce soit par la taille, la gorge ou l'estocade, il les percent, les transpercent ces imbéciles de la SAGEREP ! Et Rémi pendant ce temps-là se la coulait douce en sifflotant et en mâchonnant des brindilles en touche.

Il s'arrêta au bord d'un chemin tracé entre une série de mares et débroussaillé à la va-vite pour le passage d'un petit nombre de personnes. Au-dessus de lui, il aperçut un groupe de perroquets dont le passe-temps semblait consister à foncer la tête la première sur les troncs environnants. Et ça faisait des Bonk répétitifs, comme si ce manège avait été l'objet d' un esprit primitif voulant l'avertir de quelque chose.

- … Pfff, j'ai compris. J'ai merdé… J’ai sommeil, je n’arrive plus à dormir depuis des jours... Je voulais seulement être sympa, le gars sympa...

Un caillou chût d’un arbre jusqu’à l’eau. Willy regarda un caméléon posé sur une branche. Le caméléon passa du vert au marron, puis disparût.

- Bon, Davina veut que je sois au camp de la SAGEREP à l'embauche. Il s'agit de ne pas traîner. J'ai encore le désert à traverser.

Tout à coup, le visage de Willy devint dur comme de la pierre. Les premiers éclats carnassiers du soleil se reflétaient sur ses défenses. Ses yeux auparavant rivés sur la partie basse de la jungle, fixaient maintenant un campement à l'orée du bois, à quelques mètres seulement devant lui, après lequel s’étalait le désert. Un feu y mourait doucement à côté d'une tente montée à la va-vite.

- PONCTUAAAAALITÉÉÉ, barrit-il avec force. L'écho de son cri se répercuta dans la canopée et fit s'enfuir à tire d'ailes les perroquets aux alentours.

Et, tout en avançant à pas pesants vers le désert, Willy murmura à voix basse, à la façon d’un mantra :

- S'apercevoir avec horreur que mon être est déséquilibré par ma propre personne… Me scinder maladivement du tout… S'apercevoir de toute la locomotion qu'exige mon corps... Me prendre pour une machine tout à coup surprise par sa propre existence... Être assis au bord de soi comme au bord du monde...

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