Chapitre 8 - Benoît se dirige vers le désert avec ses nouveaux amis

 

“ Nous t’emmenons dans le désert ”, dit le singe hurleur en se balançant de branches en branches. Benoît courait d’un air balourd derrière lui pour le rattraper - les hautes herbes fouettant son visage à chaque pas. En fin de cortège, le chimpanzé aux orbites vides marchait sans se presser, en souriant.
Les arbres étaient si hauts et la végétation si dense, qu’il était impossible de se repérer avec le soleil. Mais le singe hurleur n’avait pas besoin de cela. De sauts en chutes maîtrisées, d’arbres en arbres, de branches en branches, son chemin se déroulait naturellement sous ses pas.
"Voilà une belle mémoire topographique, pensa Benoît. J’aimerai acquérir cette compétence. J’imagine que cela doit se travailler”.
Le singe hurleur se retourna et le regarda pendant quelques secondes. Derrière lui, le chimpanzé aux orbites vides parti d’un grand éclat de rire qui résonna dans toute la jungle.
Benoît se sentit perplexe devant cet échange qu’il ne comprenait pas. Et cela le mit de mauvaise humeur. Il repensa à ces moments où, essayant d’expliquer une de ses grandes idées à un de ses frères bonobos, il constatait que celle-ci restait confuse pour lui-même. Alors, comme il le faisait avec ses camarades du Syndicat suite à ce type d’épisode, il regarda alternativement le singe et le chimpanzé et eut des pensées mauvaises à leur encontre.


Après quelques heures de marche où personne ne se dit mot, les trois primates arrivèrent à l’orée de la jungle, à la frontière du désert.

- Allez, on s’arrête ici pour la nuit, dit le singe hurleur. Hector, tu vas nous chercher du bois sec pour faire un feu, s’il te plaît ?


- Oui Achille, dit le chimpanzé aux orbites vides, en retournant s’enfoncer dans la noirceur de la jungle.

Achille s’assit en tailleur sur le sable, le regard posé sur l’horizon, et s’adressa à Benoît :
 

- Ça m'a fait vraiment mal de perdre cette bataille tu sais. Ça fait toujours un peu mal. Rapport à la violence des coups portés et reçus, ok, c’est vrai. Mais là il y a quelque chose de plus. Là ça fait vraiment mal.

Benoît se dit qu’Achille et Hector étaient probablement des transfuges du Syndicat. Mais, puisque tout était manifestement de sa faute, pourquoi ne l'avaient-ils pas laisser se faire pendre s’ils ressentaient ça ? Désemparé, il s’excusa du mieux qu’il pût :


- Qui aurait cru que les agissements d’un simple soldat pouvait aboutir à la défaite d’une armée entière ? dit-il en tortillant un doigt un morceau de sa fourrure.

- On avait pourtant tout bien préparé. On avait le nombre. On avait l’effet de surprise. On avait le spectaculaire. C’était un vrai ballet. Les vagues se succédaient, comme dans une marée montante.

Benoît se souvint des rangées parfaitement alignées de bonobos, de mandrilles et de gorilles, des ramettes de papier qui volaient dans une danse infernale, s’abattant sur l’ennemi avec une justesse parfaite. L’émotion le submergeait. Les mouvements de l’armée du Syndicat avaient été beaux durant cette bataille. Et malgré la défaite et le repli, personne n’aurait pu dire le contraire.


Hector revint avec un monceau de bois dans ses bras, et une belle poignée d’insectes dans la main.

- Mangeons et dormons, dit-il. Nous avons une longue route demain, et Davina nous attend asap.

Trop heureux d’avoir échappé à la pendaison, la fatigue faisant et le ventre plein, Benoît ne trouva bientôt plus l’énergie pour poser des questions au duo sur les raisons de sa présence avec eux. Et il plongea dans le sommeil, sans qu’aucune pensées harcelantes ne vint parasiter son esprit.

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