Chapitre 4 - Benoît et ses amis retournent au camp de base après la bataille


 

Le camp de base du Syndicat était situé dans la périphérie sud-ouest de la jungle. Bien qu’ayant l’océan à quelques mètres de sa muraille - une eau chaude où la vie foisonnait, le camp avait ses deux piscines privatives. Si la première était destinée uniquement aux longueurs, la deuxième était ouverte à quiconque souhaitant se délasser dans le sang de ces ennemis.

Un couloir recouvert d’aluminium pour éviter aux télécommunications d’être captées par quelques indésirables, permettait aux équipes de rejoindre “l’espace piscine” directement depuis les bureaux, sans passer par l’extérieur. Ce qui était fortement recommandé, peu importe la météo. En effet, si la proximité de l’océan permettait à tous d’avoir du poisson à la cantine tous les vendredis, les vents qui amenaient les sédiments et la matière organique aux abords de la côte charriaient aussi des bactéries qui - s’instillant dans les pores, dans les peau, dans les chairs - décimaient quiconque sortant dehors sans l’équipement approprié. C’est pourquoi une note avait été punaisée juste avant le sas de sortie, indiquant que dehors le masque était de rigueur, et que pour rentrer une ponctualité était à respecter, afin de laisser les portes ouvertes le moins longtemps possible, sans quoi on vous sucrait vos RTT au prorata, bien évidemment (“on n’est pas des salauds”,  avaient précisé les auteurs de la communication, en caractère 6, en bas à droite de la feuille).


Plus haut dans la jungle, Benoît marchait sur ses propres pattes depuis près de quarante huit heures maintenant. Les hématomes qui l’avaient fait tellement souffrir la première nuit s’étaient presque estompés. Ce qui lui avait permis de presser le pas avec les autres sur le chemin noir que quelques temps auparavant, ils avaient empruntés avec plein de courage pour partir au front. Sur le chemin du retour, de nombreux non-fumeurs s’étaient brusquement déclarés fumeurs, et leur nombre allait grandissant. Bientôt ce fut l’ensemble des soldats - Benoît compris - à qui une clope apparut au bec. Et un panache de fumée signalait leur présence haut, très haut dans la canopée.

Pour passer la deuxième nuit au sec, l’armée du Syndicat se regroupa sous un baobab, à la façon d’un troupeau de ruminants. Bientôt les pleurs des bonobos encore tout traumatisés d’avoir combattu laissèrent place aux ronflements des gorilles. Alors la lumière s’éteint et le silence se fit. Tout en haut dans le ciel, entendait-t-on juste les légères vibrations de  l’extracteur mécanique. Mais vint minuit, et l’extracteur mécanique se tût.
Alors du baobab sous lequel s’étaient regroupés bonobos, mandrilles et gorilles, descendirent une centaine de perroquets. Ils envahirent progressivement le campement de l’armée du Syndicat, non pas en voletant çà-et-là, comme des oiseaux respectables auraient pu le faire. Mais pas à pas, en plantant rapidement et une à une leurs griffes dans l’écorce de l’arbre, comme le feraient des araignées.

Mais quoi, leurs ailes bruissent malgré tout, et réveillent ici un bonobo à lunettes à montures cassées et chandail mauve tout crotté, et là un gorille à poils longs, beaucoup trop longs.

        - Hein ? dit le bonobo à lunettes, tout ensommeillé.

“HEIN ?” répéta le perroquet en face de lui, les yeux profondément penchés dans ceux du jeune singe.

      - Mais qu’est-ce que ? maugréa le gorille à poil longs, en ouvrant un oeil.

“ MAIS QU’EST-CE QUE ?” entonnèrent devant lui cinq perroquets dont le blanc des becs reflètaient une lueur venue de je-ne-sais-où.

En une poignée de minutes, tous les singes se firent réveiller un à un, et des scènes similaires se répétèrent à travers tout le campement. Chacun face à lui-même pleurait frénétiquement, tambourinant le sol de ses poings. La situation semblait désespérée.
Mais soudain, du ciel l’air souffla à nouveau en petites bouffées. Un rire aigu et répété en trille s’éleva comme une tornade au-dessus du campement, les oiseaux s’envolèrent et ce fut l’aube.

Durant le troisième jour de marche, personne ne dit rien. Les regards restèrent fuyants et embrumés, les têtes rentrées dans les épaules, les mâchoires fermées. En fin d’après-midi, le chemin noir arpenté par l’armée du Syndicat depuis trois jours s’arrêta. Devant Benoît, Jean-Emmanuel et le reste des troupes apparut une muraille de taille somme toute assez correcte, faite de classeurs, de chaises de bureau et de capsules de machine à café. Et de cette muraille retentit un cri :

“ AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!, hurla le Directeur des Ressources Simiesques à l’armée en fuite, à travers un porte-voix bricolé avec des chemises plastiques. Vous êtes sérieux d’arriver à cette heure-là ? VOUS ÊTES SERIEUX ? Tout le monde attend l’heure d’ouverture des portes ! JE M’EN FOUS !  Avec l’impact sur vos congés que ça aura, oui oui ! Mince à la fin ! continua-t-il avant de quitter la muraille où il était juché sur la pointe des pieds, Si seulement, vous aviez respecté vos objectifs, nous aurions pu nous arranger autrement ”.

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